Studio Trisorio, une success story à l’italienne. Rencontre avec la galeriste Laura Trisorio.
Fondé par les membres d’un même clan, Studio Trisorio est né d’un savoir-faire familial et d’une passion partagée pour l’art contemporain et la photographie.
L’histoire commence sur l’île de Capri dans les années 70 au coeur de la Villa familiale Orlandi. C’est ici que Pasquale et Lucia Trisorio – les parents de Laura – développent leur goût pour l’art contemporain et invitent à séjourner leurs premiers artistes.
En 1974, ils inaugurent leur première galerie signée Studio Trisorio à Napoli. La galerie éponyme grandit rapidement et fait parler d’elle. Peinture, sculpture, photographie, art vidéo, la galerie s’amuse à juxtaposer les médiums, à explorer les différents langages de l’art contemporain, à imaginer des projets in situ dans des lieux historiques italiens.
En 1996, Studio Trisorio crée la surprise en fondant Artecinema, un festival de films documentaires sur l’art contemporain. Depuis lors, chaque année, dans les plus grands théâtres de Naples, une série de documentaires sur les artistes d’aujourd’hui est présentée au public.
Leur dernier projet en date ? L’ouverture d’une galerie Studio Trisorio sur l’île de Capri pensée comme un écrin immaculé, là où tout à commencé. Rencontre inspirante avec la galeriste Laura Trisorio.
La genèse de Studio Trisorio ?
“Le 16 octobre 1974, mes parents, Pasquale et Lucia, ont inauguré le Studio Trisorio avec une exposition de Dan Flavin dans le bâtiment historique de la Riviera di Chiaia où la galerie est toujours située. Après la mort de mon père en 1992, je me suis davantage impliquée dans la direction de la galerie avec ma mère et, en 2011, nous avons agrandi l’espace d’exposition, ce qui nous a permis de collaborer avec de nouveaux artistes. Pour moi, poursuivre l’activité initiée par mes parents était une conséquence naturelle. Je ne me souviens pas avoir été confrontée à un choix, je me suis simplement retrouvée sur le chemin que j’ai toujours voulu suivre. J’ai encore une belle photo de mon enfance, prise lors d’un déjeuner sur notre terrasse avec mes parents, Lucio Amelio, Jannis Kounellis, Carlo Alfano et Joseph Beuys qui me tendait la main. Je la considère comme une sorte d’image de mon initiation à l’art.”
Studio Trisorio en quelques mots ?
“Une galerie avec une tradition familiale et une vision internationale. En tant qu’équipe essentiellement féminine, nous sommes pleines d’énergie, et nous considérons chaque difficulté comme un défi et une occasion de grandir. Nous aimons rêver à la réalisation de projets.”
Quels sont vos projets du moment ?
“Nous venons d’ouvrir le quatrième emplacement du Studio Trisorio, un cube blanc au cœur du centre historique de Capri. La galerie de Capri est une extension de l’espace historique mais avec une connotation plus définie par rapport à l’île. Nos artistes ont été invités à réfléchir à trois thèmes que nous avions identifiés à partir de l’idée de l’île et des impressions qu’elle évoque : la lumière, la nature et la mémoire. Un grand mur central que nous avons appelé “le mur du projet” est tapissé d’une succession d’œuvres inspirées par ces thèmes. Au cours de ces premiers mois, le mur a accueilli des œuvres de Christiane Löhr, Jan Fabre, Rebecca Horn, Louise Bourgeois, et tous nos artistes suivront à leur tour. Par ailleurs, en dialogue avec l’île, nous avons organisé l’exposition de Jan Fabre intitulée Homo aquaticus et sa planète à la Certosa di San Giacomo, qui a ouvert ses portes le 7 juillet.”
“À Naples, nous sommes actuellement très concentrés sur Artecinema, un festival international de films d’art contemporain, qui en est à sa vingt-septième année et qui est devenu un événement très attendu, suivi par des milliers de spectateurs du monde entier. Cette année, les dates sont du 13 au 16 octobre, et les lieux principaux sont toujours les théâtres napolitains, le Teatro San Carlo accueillant la première soirée et le Teatro Augusteo.”
Comment sélectionnez-vous vos artistes ?
“Nous suivons notre propre parcours, notre propre goût. En allant aux expositions et aux foires, nous parlons aux artistes en personne et pouvons ainsi établir des relations de confiance. Pour nous, le rapport avec les artistes est primordial : lorsque nous décidons de suivre un artiste, il fait partie de notre famille, et nous le suivons pendant des années. Nous sommes très loyaux et c’est quelque chose que les artistes apprécient beaucoup.”
Quelles sont les foires d’art auxquelles vous participez ?
“Nous participons habituellement aux foires ARCO Madrid et Artefiera Bologna. Cette année, pour la première fois, nous avons participé à Nomad Capri. Aujourd’hui, les foires ne m’intéressent plus autant qu’avant, et je crois que les collectionneurs ont besoin qu’on leur propose quelque chose de différent. C’est précisément la raison pour laquelle j’ai décidé d’ouvrir une galerie à Capri afin de pouvoir offrir aux collectionneurs une expérience plus intime. Le local situé au 110 Via Carlo Poerio, à quelques pas de la Piazza dei Martiri (Naples), fonctionne également comme un espace fluide où sont exposées les œuvres de tous les artistes représentés par notre galerie, mais c’est aussi un espace d’atelier où se rencontrent différents langages expressifs et de nouveaux projets. Une “salle des merveilles” où les collectionneurs sont accueillis et accompagnés dans leur découverte des œuvres de nos artistes, dans une analyse approfondie qui leur permet d’explorer simultanément des œuvres historiques et des œuvres indéfectiblement innovantes.”
Est-il important pour vous d’exposer dans des lieux historiques italiens ?
“La galerie collabore avec des institutions publiques et muséales telles que le musée Madre, le musée Capodimonte et le musée archéologique. Par exemple, au Musée de Capodimonte pour le cycle Incontri sensibili, le Studio Trisorio a réalisé les expositions de Louise Bourgeois (2017), Jan Fabre (2017, 2019) et Christiane Löhr (2020), dont j’ai assuré le commissariat avec Sylvain Bellenger. Ces expositions ont été conçues dans l’intention de faire dialoguer les œuvres d’artistes contemporains avec les œuvres historiques conservées dans les collections du musée. Je crois vraiment à la synergie comme instrument de croissance et d’enrichissement culturel.”
Naples, un lieu particulièrement créatif en Italie pour l’art contemporain ?
“Naples – avec toutes ses contradictions – a toujours été une ville pleine d’énergie, les artistes perçoivent immédiatement quelque chose d’extraordinaire et sont toujours enthousiastes à l’idée de travailler au contact de ce lieu particulier. Au fil des ans, de nombreux artistes étrangers avec lesquels nous travaillons ont voulu réaliser des projets in situ dédiés à la ville et ils continuent de le faire. Je dirais que les institutions muséales locales sont toujours très actives : les galeristes locaux sont très courageux et croient vraiment, comme moi, en ce travail qui nous permet de persévérer même dans les moments les plus difficiles. En outre, il existe de nombreux grands collectionneurs qui partagent notre passion et qui nous soutiennent avec enthousiasme. Ils sont notre force.”
INFORMATIONS PRATIQUES
Crédits © 2022 texte – Caroline Duperray
LdG Art & Patrimoine